Page:Verne - Clovis Dardentor, Hetzel, 1900.djvu/127

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gracieuse, — disons même soyeuse, pour employer une épithète que Pierre Loti — avant d’être académicien — n’a pas craint d’appliquer au vol de l’hirondelle.

Ce léger coup de crayon suffit à peindre Louise Elissane, et, le lecteur s’en aperçoit, elle ne laissait pas de contraster quelque peu avec le benêt qu’on lui expédiait de Cette en même temps que les autres colis de l’Argèlès.

Lorsque l’heure fut arrivée, après que le dernier coup d’œil de la maîtresse de maison eut été donné aux chambres de la famille Désirandelle, Mme Elissane appela sa fille, et toutes deux se dirigèrent du côté du port. Elles voulurent s’arrêter d’abord dans le jardin en amphithéâtre qui domine la rade. De cet endroit, la vue s’étend largement jusqu’à la pleine mer. Le ciel était magnifique, l’horizon d’une pureté parfaite. Déjà le soleil déclinait vers la pointe de Mers-el-Kébir, — ce Portus divinus des Anciens, dans lequel cuirassés et croiseurs peuvent trouver un excellent abri contre les fréquentes bourrasques de l’ouest.

Quelques voiles blanches se détachaient vers le nord. De lointaines fumées indiquaient les steamers de ces nombreuses lignes qui desservent la Méditerranée et rallient volontiers la terre africaine. Deux ou trois de ces paquebots étaient sans doute à destination d’Oran, et l’un d’eux ne se trouvait pas à plus de trois milles. Était-ce l’Argèlès, impatiemment attendu, du moins par la mère si ce n’est par sa fille. Car, enfin, Louise ne le connaissait pas, ce garçon que chaque tour d’hélice rapprochait d’elle, et peut-être aurait-il mieux valu que l’Argèlès eût fait machine en arrière…

« Il va être six heures et demie, observa Mme Elissane. Descendons.

— Je te suis, mère, » répondit Louise.

Et par cette large rue qui aboutit au quai, la mère et la fille descendirent vers le bassin où les paquebots prennent d’ordinaire leur mouillage.

À l’un des officiers de port qui se promenait au quai, Mme Elissane demanda si l’Argèlès était signalé.