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juge de paix, le receveur de l’enregistrement, des domaines et des contributions, le garde des forêts, le traditionnel bureau arabe. Et pas un monument, rien d’artistique à signaler, aucun reste de couleur locale, — ce qui ne saurait étonner, puisqu’il s’agit d’une ville de fondation relativement récente.

M. Dardentor ne songea point à se plaindre. Sa curiosité fut satisfaite, ou plutôt ses instincts d’industriel le ressaisirent devant les moulins et les scieries, dont le tic-tac aigu et les stridences déchirantes charmèrent ses oreilles. Tout ce qu’il put regretter, ce fut de ne point être arrivé à Saïda un mercredi, jour de grand marché arabe pour les laines. Au surplus, ses dispositions au tot admirari ne devaient point faiblir pendant l’excursion, et tel on le voyait au début, tel il se montrerait au terme du voyage.

Les environs de Saïda, heureusement, offrent de jolis aspects, des paysages disposés pour l’enchantement des yeux, des points de vue pittoresques à tenter la palette d’un peintre. Là, aussi, se développent d’opulents vignobles, de riches pépinières où s’épanouissent toutes les variétés de la flore algérienne. En somme, comme dans les trois provinces de la colonie française, la campagne saïdienne révélait ses qualités productrices. On y compte cinq cent mille hectares consacrés à la culture de l’alfa. Les terres y sont de premier ordre, et le barrage de l’Oued-Méniarin leur prodigue l’eau nécessaire. Ainsi sont assurés des résultats superbes à ce sol que la nature a, d’autre part, gratifié de riches carrières de marbre à veines jaunâtres.

De là, cette réflexion de M. Dardentor, qui est venue à tant de bons esprits :

« Comment se fait-il que l’Algérie, avec ses ressources naturelles, ne puisse se suffire à elle-même ?…

— Il y pousse trop de fonctionnaires, répondit Jean Taconnat, et pas assez de colons, qui y seraient étouffés d’ailleurs. C’est une question d’échardonnage ! »

La promenade fut poursuivie jusqu’à deux kilomètres au nord-ouest de Saïda. Là, sur un talus, à la base duquel le Méniarin coule