Page:Verne - Famille-sans-nom, Hetzel, 1889.djvu/17

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

les États-Unis ont fini par conquérir leur indépendance ! Je vois bien qu’à Londres, le ministère veut une politique militante. Aussi, sur le conseil des commissaires, la Chambre des lords et la Chambre des communes ont-elles adopté à une grande majorité une proposition qui tend à mettre en accusation les députés de l’opposition, à employer les deniers publics sans contrôle, à modifier la constitution de manière à doubler dans les districts le nombre des électeurs d’origine anglaise ! Mais cela n’est point faire montre de sagesse. Il y aura du sang versé de part et d’autre ! »

C’était à craindre, réellement. Les dernières mesures, adoptées par le Parlement anglais, avaient produit une agitation qui ne demandait qu’à se manifester à tout propos. Conciliabules secrets, meetings publics, surexcitaient l’opinion. Des faits, on passerait bientôt aux actes. Les provocations s’échangeaient à Montréal comme à Québec entre les réformistes et les partisans de la domination anglo-saxonne — surtout les anciens membres des associations constitutionnelles. La police n’ignorait pas qu’un appel aux armes avait été répandu à travers les districts, les comtés, les paroisses. On avait été jusqu’à pendre en effigie le gouverneur général. Il y avait donc à prendre des dispositions.

« M. de Vaudreuil a-t-il été vu à Montréal ? demanda lord Gosford.

— Il ne paraît point avoir quitté son habitation de Montcalm, répondit Gilbert Argall. Mais ses amis Farran, Clerc, Vincent Hodge, le visitent assidûment et sont en rapport quotidien avec les députés libéraux, et plus particulièrement avec l’avocat Gramont, de Québec.

— Si un mouvement éclate, dit sir John Colborne, nul doute qu’il ait été préparé par eux.

— Aussi, en les faisant arrêter, ajouta le colonel Gore, peut-être Votre Seigneurie écraserait-elle le complot dans l’œuf ?…

— À moins qu’on ne le fît éclore plus tôt ! » répondit le gouverneur général.