Page:Verne - Famille-sans-nom, Hetzel, 1889.djvu/210

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« Mahogannis, dit-il enfin, je ne m’attendais pas… Je suis indigne, vraiment !… Vous comprenez… mes amis… je ne suis ici qu’en qualité de notaire !… »

Il balbutiait, il cherchait ses mots, il ne trouvait rien de net à répondre.

Thomas Harcher lui vint en aide.

« Hurons, dit-il, maître Nick est maître Nick, du moins jusqu’à ce que la cérémonie du mariage soit accomplie. Après, s’il lui convient, il quittera la ferme de Chipogan et sera libre de retourner avec ses frères à Walhatta !

— Oui !… après la noce ! » s’écria toute l’assistance, qui tenait à conserver son notaire.

Le Huron remua doucement la tête, et, après avoir pris l’avis de la députation :

« Mon frère ne peut hésiter, dit-il. Le sang des Mahogannis coule dans ses veines et lui impose des droits et des devoirs qu’il ne voudra pas refuser…

— Des droits !… des droits !… Soit ! murmura maître Nick. Mais, des devoirs…

— Accepte-t-il ? demanda l’Indien.

— S’il accepte !… s’écria Lionel. Je le crois bien ! Et, pour témoigner de ses sentiments, il faut qu’il revête à l’instant le manteau royal des Sagamores !…

— Il ne se taira donc pas, l’imbécile ! » répétait maître Nick entre ses dents.

Et, volontiers, le pacifique notaire eût calmé d’une taloche l’enthousiasme intempestif de son clerc.

M. de Vaudreuil vit bien que maître Nick ne demandait qu’à gagner du temps. Aussi, s’adressant à l’Indien, il lui dit que, certainement, le descendant des Sagamores ne songeait point à se soustraire aux devoirs que lui imposait sa naissance. Mais, quelques jours, quelques semaines peut-être, étaient nécessaires, afin qu’il pût régler sa situation à Montréal. Il convenait donc de lui donner le temps de mettre ordre à ses affaires.