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Le lendemain, on se séparerait. M. et Mlle de Vaudreuil retourneraient à la villa Montcalm. Jean quitterait la ferme et ne reparaîtrait sans doute qu’au jour où il viendrait se mettre à la tête du parti réformiste. Quant à ses compagnons du Champlain, ils continueraient le métier de chasseurs, de coureurs des bois, qu’ils exerçaient durant la saison hivernale, en attendant l’heure de rejoindre leur frère adoptif, tandis que la famille reprendrait les travaux habituels de la ferme. Pour les Hurons, ils regagneraient le village de Walhatta, où la tribu comptait faire à Nicolas Sagamore un accueil triomphal, lorsqu’il viendrait fumer pour la première fois le calumet au foyer de ses ancêtres.

On l’a vu, maître Nick avait été aussi peu charmé que possible des hommages dont il était l’objet. Bien décidé, d’ailleurs, à ne point échanger son étude pour le titre de chef de tribu, il en avait causé avec M. de Vaudreuil, avec Thomas Harcher. Et son ahurissement était tel qu’il était difficile de ne point rire quelque peu de l’aventure.

« Vous plaisantez ! répétait-il. On voit bien que vous n’avez pas un trône prêt à s’ouvrir sous vos pieds !

— Mon cher Nick, il ne faut pas prendre cela au sérieux ! répondait M. de Vaudreuil.

— Et le moyen de le prendre autrement ?

— Ces braves gens n’insisteront pas, quand ils auront reconnu que vous ne mettez aucun empressement à vous rendre au wigwam des Mahogannis !

— Ah ! vous ne les connaissez guère ! s’écriait maître Nick. Eux, ne pas insister ! Mais ils me relanceront jusqu’à Montréal !… Ils feront des démonstrations auxquelles je ne pourrai échapper !… Ils assiégeront ma porte !… Et que dira ma vieille Dolly ?… Il n’est pas impossible que je finisse par me promener avec des mocassins aux pieds et des plumes sur la tête ! »

Et l’excellent homme, qui n’avait guère envie de rire, finissait par partager l’hilarité de ses auditeurs.