Page:Verne - Famille-sans-nom, Hetzel, 1889.djvu/217

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la variété des mets ordinaires et extraordinaires qui composent la cuisine canadienne.

Sur l’immense table — à laquelle cent cinquante convives allaient prendre place, — étaient disposés autant de cuillers et de fourchettes enveloppées d’une serviette blanche, et un gobelet de métal. Pas de couteaux, chacun devant se servir de celui qu’il avait dans sa poche. Pas de pain, non plus, la galette sucrée d’érable étant seule admise dans les repas de noces. Des plats, dont la nomenclature va être indiquée, les uns, froids, figuraient déjà sur la table, tandis que les autres, chauds, seraient servis tour à tour. C’étaient des terrines de soupe bouillante, d’où s’échappait une vapeur parfumée ; des variétés de poissons frits ou bouillis, venus des eaux douces du Saint-Laurent et des lacs, truites, saumons, anguilles, brochets, poissons blancs, aloses, touradis et maskinongis ; des chapelets de canards, de pigeons, de cailles, de bécasses, de bécassines, et des fricassées d’écureuils ; puis, comme pièces de résistance, des dindes, des oies, des outardes, engraissées dans la basse-cour de la ferme, les unes dorées au feu pétillant de leurs rôtissoires, les autres noyées d’une mare de jus aux épices ; et encore, des pâtés chauds aux huîtres, des godiveaux de viandes hachées, relevés de gros oignons, des gigots de mouton à l’eau, des échines de sanglier rôties, des agamites d’origine indigène, des tranches de faon et de daim en grillades ; enfin, ces deux merveilles de venaison par excellence, qui devraient attirer en Canada les gourmets des deux mondes, la langue de bison, si recherchée des chasseurs des Prairies, et la bosse dudit ruminant, cuite à l’étouffée dans sa fourrure naturelle, garnie de feuilles odorantes ! Que l’on ajoute à cette nomenclature les saucières où tremblotaient des « relishs » de vingt espèces, les montagnes de légumes, mûris aux derniers jours de l’été indien, les pâtisseries de toutes sortes et plus particulièrement des croquecignoles ou beignets, pour la confection desquels les filles de Catherine Harcher jouissaient d’une réputation sans égale, les fruits variés dont le jardin avait fourni toute une récolte, et, de plus, en cent flacons de formes diverses, le cidre, la bière,