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en attendant le vin, l’eau-de-vie, le rhum, le genièvre, réservés aux libations du dessert.

La vaste salle avait été très artistement décorée en l’honneur de Bernard et de Rose Miquelon. De fraîches guirlandes de feuillages ornaient les murs. Quelques arbustes semblaient avoir poussé tout exprès dans les angles. Des centaines de bouquets de fleurs odorantes ornaient la baie des fenêtres. En même temps, fusils, pistolets, carabines — toutes les armes d’une famille où l’on comptait tant de chasseurs — formaient çà et là d’étincelantes panoplies.

Les jeunes époux occupaient le milieu de la table, disposée en fer à cheval, comme le sont ces chutes du Niagara, qui, à cent cinquante lieues dans le sud-ouest, précipitaient leurs étourdissantes cataractes. Et c’étaient bien des cataractes, qui allaient s’engouffrer dans l’abîme de ces estomacs franco-canadiens !

De chaque côté des mariés, avaient pris place M. et Mlle de Vaudreuil, Jean et ses compagnons du Champlain. En face, entre Thomas et Catherine Harcher, trônait maître Nick avec les principaux guerriers de sa tribu, désireux de voir, sans doute, comment fonctionnait leur nouveau chef. Et, à cet égard, Nicolas Sagamore se promettait de montrer un appétit digne de sa lignée. Il va sans dire que, contrairement aux traditions et pour cette circonstance exceptionnelle, les enfants avaient été admis à la grande table, entre les parents et les amis, autour desquels circulait une escouade de nègres, spécialement engagés pour ce service.

À cinq heures, le premier assaut avait été donné. À six heures, il y eut une suspension d’armes, non pour enlever les morts, mais pour donner aux vivants le temps de reprendre haleine. Ce fut alors que commencèrent les toasts portés aux jeunes époux, les speechs en l’honneur de la famille Harcher.

Puis vinrent les joyeuses chansons de noce, car, suivant l’ancienne mode, dans toute réunion, à dîner comme à souper, dames et messieurs ont l’habitude de chanter alternativement, surtout de vieux refrains de France.