Page:Verne - Famille-sans-nom, Hetzel, 1889.djvu/277

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

auquel elle donnait asile était un patriote. Cela suffisait pour qu’il eût droit à son dévouement.

Tout d’abord, Bridget et Jean étaient retournés près de la porte. Ils écoutaient. Si de lointaines clameurs retentissaient encore du côté de l’église, le calme régnait sur la grande route. Les derniers reflets des incendies allumés dans le haut quartier de la bourgade commençaient à s’éteindre peu à peu, et aussi les cris des royaux. Ils avaient fini de brûler, de piller et de massacrer. En somme, une vingtaine d’habitations avaient été réduites en cendres. Maison-Close était de celles qui avaient échappé à la destruction. Mais Bridget et Jean ne pouvaient-ils tout craindre des vainqueurs, lorsque le soleil viendrait éclairer les ruines de Saint-Charles.

D’ailleurs, ils éprouvèrent plus d’une alerte pendant cette soirée. D’heure en heure, des rondes de soldats et de volontaires passaient devant Maison-Close, surveillant les abords de la bourgade au tournant de la grande route. Elles s’arrêtaient parfois. Est-ce donc que des perquisitions eussent été ordonnées, que des agents de la police fussent sur le point de frapper à la porte, en sommant de l’ouvrir ? Et, alors, ce n’était pas pour lui que tremblait Jean-Sans-Nom, c’était pour M. de Vaudreuil, pour ce moribond qui eût été achevé dans la maison de sa mère !…

Ces craintes ne devaient pas se réaliser — pendant cette nuit du moins.

Bridget et son fils s’étaient placés au chevet du blessé. Tout ce qu’ils avaient pu faire pour lui, ils l’avaient fait. Mais il aurait fallu des remèdes, et comment s’en procurer ? Il aurait fallu un médecin, et où en trouver un auquel il eût été prudent de confier, avec la vie d’un patriote, les secrets de Maison-Close ?

La poitrine de M. de Vaudreuil, mise à nu, fut examinée. Une plaie profonde, produite par le coup de sabre, s’étendait obliquement sur la partie gauche du torse. Il semblait bien que cette plaie ne devait pas être assez profonde pour qu’un organe vital eût été atteint.