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— Et les six mille piastres que vaut sa tête ! »

En entendant la voix de l’homme qui venait de prononcer ces derniers mots, Bridget eut un tressaillement involontaire. Il lui sembla qu’elle connaissait cette voix, sans pouvoir retrouver dans son souvenir…

Mais Jean l’avait reconnu, cet homme acharné à sa poursuite ! C’était Rip ! Et, s’il n’en voulut rien dire à sa mère, c’est que c’eût été lui rappeler l’horrible passé qui se rattachait à ce nom !

Cependant le silence s’était fait. Les agents venaient de remonter la route, sans avoir soupçonné que Jean eût pu se réfugier à Maison-Close. Alors, Jean se retourna vers sa mère et Clary, immobiles dans l’ombre du couloir.

À cet instant, avant que Bridget eût interrogé son fils, la voix de M. de Vaudreuil se fit entendre. Il avait compris que Jean était de retour, et il disait :

« Jean !… C’est vous ?… »

Jean, Clary et Bridget durent aussitôt rentrer dans la chambre de M. de Vaudreuil, et, profondément troublés, vinrent se placer près de son lit.

« J’ai la force de tout apprendre, dit M. de Vaudreuil, et je veux tout savoir !

— Vous saurez tout, » répondit Jean.

Et il fit le récit suivant, que Clary et Bridget écoutèrent sans l’interrompre.

« L’autre nuit, deux heures après avoir quitté Maison-Close, je suis arrivé à Saint-Denis. Là, j’ai retrouvé quelques-uns des patriotes, qui avaient survécu au désastre, Marchessault, Nelson, Cartier, Vincent Hodge, Farran, Clerc, les avaient rejoints. Ils s’occupaient de la défense. La population ne demandait qu’à les soutenir. Mais, hier, nous apprîmes que Colborne avait fait partir de Sorel une colonne de réguliers et de volontaires, pour piller et incendier la bourgade. Cette colonne arriva dans la soirée. En vain vou-