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Et, dès lors, une évasion serait-elle possible, puis une fuite à travers la campagne ? Jean pourrait-il sortir de sa cellule, franchir les palissades, déjouer la surveillance des factionnaires ? C’est ce qui serait étudié entre son frère et lui, si l’accès du fort n’était pas interdit à l’abbé Joann. Une fois en liberté, tous deux se dirigeraient avec Lionel, non vers la frontière américaine, mais vers le Niagara et l’île Navy, où les patriotes s’étaient réunis pour tenter un dernier effort.

L’abbé Joann, après avoir traversé obliquement la grève, arriva devant la poterne, près de laquelle un des soldats était de faction. Il demanda à être reçu par le commandant du fort.

Un sergent sortit du poste, établi à l’intérieur de l’enceinte palissadée. Le soldat qui l’accompagnait portait un fanal, l’obscurité étant déjà profonde.

« Que voulez-vous ? demanda le sergent.

— Parler au commandant.

— Et qui êtes-vous ?

— Un prêtre qui vient offrir ses services au prisonnier Jean-Sans-Nom.

— Vous pouvez dire au condamné !…

— Le jugement a été rendu ?…

— Avant-hier, et Jean-Sans-Nom est condamné à mort ! »

L’abbé Joann fut assez maître de lui pour ne rien laisser paraître de son émotion, et il se borna à répondre :

« C’est un motif de plus pour ne pas refuser au condamné la visite d’un prêtre.

— Je vais en référer au major Sinclair, commandant du fort, » répliqua le sergent.

Et il se dirigea vers le blockhaus, après avoir fait entrer l’abbé Joann dans le poste. Celui-ci s’assit en un coin obscur, réfléchissant à ce qu’il venait d’apprendre. La condamnation étant prononcée, le temps n’allait-il pas manquer pour la réussite de ses projets ? Mais, puisque la sen-