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En vérité, il était à craindre que les réformistes fussent pris de désespoir devant les échecs successifs dont la mauvaise fortune les accablait.

En premier lieu, la loi martiale, proclamée dans le district de Montréal, rendait presque impossible une entente commune entre les paroisses du Saint-Laurent. D’une part, le clergé canadien, sans rien abandonner de ses espérances pour l’avenir, engageait les opposants à se soumettre. De l’autre, il était difficile de triompher sans l’aide des États-Unis. Or, si ce n’est de la part des Américains de la frontière, il ne semblait pas que cette participation dût être effective. Le gouvernement fédéral se défendait de prendre ouvertement fait et cause pour ses voisins d’origine française. Des vœux, oui ! Des actes, peu ou point ! En outre, nombre de Canadiens, tout en réservant leurs droits, tout en protestant contre des abus manifestes, travaillaient à l’apaisement des esprits.

De cet état de choses, il résultait que les patriotes militants, au dernier mois de cette année 1837, n’atteignaient plus que le chiffre d’un millier d’hommes, dispersés sur le pays. Au lieu d’une révolution, l’histoire n’aurait plus à enregistrer qu’une révolte.

Cependant quelques tentatives isolées avaient été faites à Swanton. Sur les conseils de Papineau et de O’Callaghan, une petite troupe de quatre-vingts hommes rentra sur le territoire canadien, arriva à Moore’s-Corner, et se heurta à une troupe de quatre cents volontaires, résolus à lui barrer le passage. Les patriotes se battirent avec un admirable courage ; mais ils furent refoulés et durent repasser la frontière.

Le gouvernement, n’ayant plus rien à craindre de ce côté, allait pouvoir concentrer ses forces vers le nord.

Le 14 décembre, il y eut un combat à Saint-Eustache, dans le comté des Deux-Montagnes, situé au nord du Saint-Laurent. Là, au milieu de ses hardis compagnons, tels que Lorimier, Ferréol et autres, se distingua par son énergie et sa bravoure le docteur Chénier, dont la tête était mise à prix. Deux mille soldats, envoyés par sir John Colborne,