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neuf pièces d’artillerie, cent vingt hommes de cavalerie, une compagnie de quatre-vingts volontaires, vinrent attaquer Saint-Eustache. La résistance de Chénier et des siens fut héroïque. Exposés aux boulets et aux balles, ils durent se retrancher dans le presbytère, le couvent et l’église. La plupart n’avaient même pas de fusils, et, comme ils en réclamaient :

« Vous prendrez les fusils de ceux qui seront tués ! » répondit froidement Chénier.

Mais le cercle des assaillants se rétrécissaient autour du village, et l’incendie vint en aide aux royaux.

Chénier se vit contraint d’abandonner l’église. Une balle le jeta à terre. Il se releva, il fit feu. Une seconde balle l’atteignit à la poitrine. Il tomba, il était mort.

Soixante-dix de ses compagnons périrent avec lui.

On voit encore les mutilations de l’église où ces désespérés combattirent, et les Canadiens n’ont jamais cessé de visiter l’endroit où succomba le courageux docteur. Dans le pays, on dit toujours : Brave comme Chénier.

Après l’impitoyable répression des insurgés à Saint-Eustache, sir John Colborne dirigea ses troupes sur Saint-Benoît, où elles arrivèrent le lendemain.

C’était un beau et riche village, situé à quelques milles au nord dans le comté des Deux-Montagnes.

Là, il y eut massacre de gens sans armes, qui consentaient à se rendre. Comment auraient-ils eu la possibilité de se défendre contre les troupes venant de Saint-Eustache, et les volontaires venant de Saint-Andrew, soit plus de six mille hommes, ayant à leur tête le général en personne ?

Dévastations, destructions, pillages, incendies, vols, tous les excès d’une soldatesque furieuse, qui ne respectait ni l’âge ni le sexe, profanation des églises, vases sacrés employés aux plus odieux usages, vêtements sacerdotaux attachés au cou des chevaux, tels furent les actes de vandalisme et d’inhumanité dont cette paroisse