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Vincent Hodge fut prié de venir dans la soirée du 16 décembre.

C’était une petite maison, bâtie sur la berge orientale de l’île, en face du village de Schlosser, que M. de Vaudreuil occupait avec sa fille.

Bridget y demeurait aussi ; mais elle n’en sortait jamais pendant le jour. Le plus souvent, cette pauvre femme s’en allait à la nuit tombante, absorbée dans le souvenir de ses deux fils, Jean, mort pour la cause nationale, Joann, dont elle n’avait plus de nouvelles, et qui attendait peut-être, dans les prisons de Québec ou de Montréal, l’heure de mourir à son tour !

Au surplus, personne ne la voyait dans cette maison, où M. de Vaudreuil et sa fille lui rendaient l’hospitalité qu’ils avaient reçue à Maison-Close. Non qu’elle eût la crainte d’être reconnue et qu’on lui jetât son nom à la face ! Qui aurait pu soupçonner en elle la femme de Simon Morgaz ? Mais c’était déjà trop qu’elle vécût sous le toit de M. de Vaudreuil, et que Clary lui témoignât l’affection et le respect d’une fille pour sa mère !

Vincent Hodge fut exact au rendez-vous qui lui avait été donné. Lorsqu’il arriva, il était huit heures du soir.

Bridget, déjà sortie, errait à travers l’île.

Vincent Hodge vint serrer la main de M. de Vaudreuil, et se retourna vers Clary qui lui tendit la sienne.

« J’ai à vous parler de choses graves, mon cher Hodge, dit M. de Vaudreuil.

— Je vous laisse, mon père, répondit Clary en se dirigeant vers la porte.

— Non, mon enfant, reste. Ce que j’ai à dire vous concerne tous les deux. »

Il fit signe à Vincent Hodge de s’asseoir devant son fauteuil. Clary prit place sur une chaise près de lui.

« Mon ami, dit-il, il ne me reste que peu de temps à vivre. Je le sens, je m’affaiblis chaque jour davantage. Cela étant, écoutez-moi