Page:Verne - Famille-sans-nom, Hetzel, 1889.djvu/411

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Plusieurs manquaient. Les uns, frappés par des éclats d’obus, avaient dû revenir en arrière. Les autres, étendus sur la neige, ne devaient plus se relever. En tout, une vingtaine à déduire des deux cents qui restaient alors.

Les pièces, établies à Chippewa, avaient déjà fait de grands ravages à la surface de l’île. Les épaulements gazonnés, qui auraient permis aux bonnets bleus de tirer à couvert, étaient détruits presque entièrement. Il fut donc nécessaire de prendre position au bas de la berge, entre les roches à demi baignées par l’impétueux courant. C’est de là que Jean et les siens essaieraient d’arrêter le débarquement jusqu’à complet épuisement de leurs munitions.

Cependant le mouvement avait été vu du camp de Chippewa. Le colonel Mac Nab, antérieurement renseigné par les signaux de Rip, et, en ce moment même, par le rapport de cet espion qui se trouvait au camp, redoubla ses feux en les concentrant sur les points fortifiés. Autour de Jean, une trentaine de ses compagnons furent atteints par les éclats de roches que le choc des projectiles dispersait le long des rives.

Jean allait et venait sur la berge, observant les manœuvres de l’ennemi, malgré les boulets qui butaient à ses pieds ou coupaient l’air au dessus de sa tête.

En ce moment, de larges bateaux plats, garnis d’avirons, se détachèrent l’un après l’autre de la rive canadienne.

Dans un dernier effort pour dégager la place, trois ou quatre volées, passant par-dessus les bateaux, s’abattirent sur l’île et ricochèrent au loin.

Jean ne fut pas même effleuré.

« Patriotes, cria-t-il, soyez prêts ! »

Tous attendaient que les embarcations fussent à portée pour commencer le feu.

Les assaillants, couchés à bord, afin d’offrir moins de prise aux balles, devaient être de quatre à cinq cents, tant volontaires que soldats de l’armée royale.