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Quelques instants après, les bateaux, se trouvant à mi-rivière, furent assez rapprochés de l’île pour que l’artillerie de Chippewa dût suspendre ses décharges.

Aussitôt les premiers coups de fusil partirent de derrière les roches. Les embarcations y répondirent presque immédiatement. Mais, comme elles étaient très exposées au feu des berges, les longs avirons furent manœuvrés avec vigueur.

Quelques minutes suffirent pour accoster, et il fallut se préparer, de part et d’autre, pour une lutte corps à corps.

Jean commandait, au milieu d’une grêle de balles qui tombait aussi drue qu’une mitraille.

« Abritez-vous ! lui cria Vincent Hodge.

— Moi ? » répondit-il.

Et, d’une voix éclatante, il cria aux assaillants qui allaient sauter sur la berge :

« Je suis Jean-Sans-Nom ! »

Ce nom fut accueilli avec une véritable stupeur, car les royaux devaient croire que Jean-Sans-Nom avait été passé par les armes au fort Frontenac.

Et alors, se précipitant vers les premières embarcations, Jean s’écria :

« En avant, les bonnets bleus !… Sus aux habits rouges ! »

L’engagement devint alors extrêmement vif. Les premiers débarqués sur l’île furent repoussés. Quelques-uns tombèrent dans le courant qui les emporta vers les cataractes. Les patriotes, quittant l’abri des roches, se répandirent sur la berge et se battirent avec une telle impétuosité que l’avantage fut d’abord pour eux. Il y eut même un instant où les embarcations durent reculer. Mais, aussitôt, d’autres arrivèrent à leur aide. Plusieurs centaines d’hommes purent prendre pied sur l’île. Le passage était forcé, et le nombre allait avoir raison du courage.

En effet, devant cet ennemi de beaucoup supérieur, les défenseurs furent contraints d’abandonner la berge. S’ils ne cédèrent pas sans