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aurait la force de regagner la maison où l’attendait sa fille et de s’embarquer avec elle.

Vincent Hodge essaya de l’entraîner. À ce moment, M. de Vaudreuil, frappé en pleine poitrine, ne put que murmurer ces mots :

« Ma fille !… Hodge !… Ma fille ! »

Jean, qui venait d’accourir, l’entendit.

« Sauvez Clary ! » cria-t-il à Vincent Hodge.

À ce cri, une douzaine de volontaires se jetèrent sur lui. Ils l’avaient reconnu. S’emparer du célèbre Jean-Sans-Nom, le ramener vivant au camp de Chippewa, quel coup de fortune ce serait pour eux !

Dans un dernier effort, Jean abattit deux des volontaires qui cherchaient à le saisir, et il disparut au milieu d’une décharge qui ne l’atteignait pas.

Quant à Vincent Hodge, blessé grièvement, il avait été fait prisonnier près du cadavre de M. de Vaudreuil.

Où allait Jean-Sans-Nom ? Avait-il donc la pensée de survivre, après que les meilleurs patriotes avaient succombé ou étaient entre les mains des royaux ?

Non ! Le dernier mot de M. de Vaudreuil n’avait-il pas été le nom de sa fille ?…

Eh bien ! Puisque Vincent Hodge ne pouvait plus la sauver, lui la sauverait, il l’obligerait à fuir, il la conduirait sur la rive américaine, et il reviendrait au milieu de ses compagnons qui luttaient encore.

Clary de Vaudreuil, seule devant sa maison, entendait les bruits du combat — cris de fureur, cris de douleur, mêlés aux détonations de la mousqueterie.

Tout ce tumulte se rapprochait avec la lueur plus intense des armes à feu.

Déjà une cinquantaine de patriotes, blessés pour la plupart, s’étaient jetés dans les embarcations et se dirigeaient vers le village de Schlosser.