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avoir infligé des pertes importantes aux assaillants, ils en subirent de cruelles aussi.

Parmi eux, Thomas Harcher, Pierre et Michel, tombés sous les balles, furent achevés par ces féroces volontaires qui ne faisaient point de quartier. William Clerc et André Farran, blessés tous deux, furent pris, après avoir tracé un cercle de sang autour d’eux. Sans l’intervention d’un officier, ils auraient eu le sort du fermier et de ses deux fils. Mais le colonel Mac Nab avait recommandé d’épargner les chefs autant que possible, le gouvernement voulant les traduire devant les conseils de guerre de Québec ou de Montréal. C’est à cette recommandation que Clerc et Farran durent d’échapper au massacre.

Il était d’ailleurs impossible de résister au nombre. Les bonnets bleus, après s’être battus en désespérés, les Mahogannis, après s’être défendus avec ce courage froid, ce mépris de la mort qui distingue les Indiens de leur race, durent fuir à travers les massifs de l’île, poursuivis de clôture en clôture, débordés sur leurs flancs, écrasés en arrière. Ce fut miracle si Lionel ne fut pas tué vingt fois, et si maître Nick lui-même échappa au carnage. Quant aux Hurons, combien d’entre eux ne devaient jamais rentrer à leurs wigwams de Walhatta !

En arrivant près de la maison de M. de Vaudreuil, maître Nick voulut décider Clary à se jeter dans l’une des embarcations qui allait le transporter à Schlosser.

« Tant que mon père sera sur l’île, dit-elle, je ne l’abandonnerai pas ! »

Oui, son père ! et peut-être aussi Jean, bien qu’elle sût qu’il n’était revenu que pour mourir !

Vers cinq heures du soir, M. de Vaudreuil comprit que la résistance n’était plus possible contre plusieurs centaines d’assaillants, maîtres d’une grande partie de l’île. Si les survivants voulaient sauver leur vie, ils ne le pouvaient plus qu’en se réfugiant sur la rive droite du Niagara.

Mais c’est à peine si M. de Vaudreuil pouvait se tenir debout, s’il