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III

un notaire huron.



Ce n’était pas sans de graves motifs que le gouverneur général, sir John Colborne, le ministre de la justice et le colonel Gore avaient conféré au palais de Québec, en vue de mesures à prendre pour réprimer les menées des patriotes. En effet, une redoutable insurrection allait prochainement soulever la population d’origine franco-canadienne.

Mais si lord Gosford et son entourage s’en préoccupaient à bon droit, ce n’était pas pour inquiéter, semblait-il, un jeune garçon qui, dans la matinée du 3 septembre, grossoyait en l’étude de maître Nick, place du marché Bon-Secours, à Montréal.

« Grossoyer » n’est peut-être pas le mot qui convenait à cet absorbant travail, auquel le second clerc, Lionel Restigouche, s’adonnait en ce moment — neuf heures du matin. Une colonne, de lignes inégales et de fine écriture, s’allongeait sur une belle feuille de papier bleuâtre, qui ne ressemblait en rien au rude parchemin des actes. Par instants, lorsque la main de Lionel s’arrêtait pour fixer quelque idée indécise, ses yeux se portaient vaguement, à travers la fenêtre entr’ouverte, vers le monument élevé sur la place Jacques Cartier, en l’honneur de l’amiral Nelson. Son regard s’animait alors, son front rayonnait, et sa plume se reprenait à courir, tandis qu’il balançait légèrement la tête, comme s’il eut battu la mesure sous l’influence d’un rythme régulier.

Lionel avait à peine dix-sept ans. Sa figure, presque féminine