Page:Verne - Hector Servadac, Tome 1.pdf/264

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toutes les protestations de son propriétaire. Le lieutenant Procope avait déclaré que si la Hansa restait mouillée au port du Chéliff, elle ne saurait résister à la pression des glaces et serait immanquablement brisée. À la crique de la Terre-Chaude, mieux protégée, elle serait plus en sûreté, et, en tout cas, s’y trouvât-elle en perdition, sa cargaison, du moins, pourrait être sauvée.

C’est pourquoi, quelques instants après que la goëlette eut levé l’ancre, la Hansa appareilla aussi, malgré les cris et objurgations d’Isac Hakhabut. Quatre matelots russes s’y étaient embarqués par ordre du lieutenant, et, sa grande antenne déployée, le bateau-boutique, comme disait Ben-Zouf, quitta l’île Gourbi et se dirigea vers le sud.

Ce que furent les invectives du renégat pendant la traversée, et avec quelle insistance il répéta qu’on agissait malgré lui, qu’il n’avait besoin de personne, qu’il n’avait réclamé aucune aide, cela ne peut se dire. Il pleurait, il se lamentait, il geignait, — au moins des lèvres, — car il ne pouvait empêcher ses petits yeux gris de lancer certains éclairs à travers ses fausses larmes. Puis, trois heures après, lorsqu’il fut bien amarré dans la crique de la Terre-Chaude, quand il vit en sûreté son bien et lui, quelqu’un qui se fût approché aurait été frappé de la satisfaction non équivoque de son regard, et, en prêtant l’oreille, il l’eût entendu murmurer ces paroles :