Page:Verne - Hector Servadac, Tome 1.pdf/283

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les autres ne soient arrivés à l’île Gourbi ou à la Terre-Chaude ! Et maintenant que la mer est prise, adieu tout espoir de recevoir la moindre lettre de cet original ! »

En effet, on le sait, la mer était entièrement congelée. Cette substitution de l’état solide à l’état liquide s’était opérée par un temps magnifique, et à un moment où pas un souffle d’air ne troublait les eaux galliennes. Aussi, leur surface solidifiée était elle absolument unie, comme eût été celle d’un lac ou d’un bassin du Club des patineurs. Pas une intumescence, pas une boursouflure, pas une crevasse ! C’était une glace pure, sans une érosion, sans un seul défaut, qui s’étendait par delà les limites de l’horizon.

Quelle différence avec l’aspect que présentent ordinairement les mers polaires aux abords de la banquise ! Là, tout n’est qu’ice-bergs, hummocks, glaçons accumulés les uns sur les autres et exposés aux plus capricieuses ruptures d’équilibre. Les ice-fields ne sont, à vrai dire, qu’une agglomération de morceaux de glace irrégulièrement ajustés, d’éboulis que le froid maintient dans les positions les plus bizarres, de montagnes à base fragile, qui dominent les plus hautes mâtures des baleiniers.

Rien n’est stable sur ces océans arctiques ou antarctiques, rien n’est immuable, la banquise n’est pas coulée en bronze, et un coup de vent, une modification de la température, y produisent des changements à