Page:Verne - Hector Servadac, Tome 1.pdf/284

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vue d’un effet saisissant. Ce n’est donc qu’une succession de féeriques décors. Ici, au contraire, la mer Gallienne était définitivement fixée, et plus nettement encore qu’à l’époque où elle offrait une surface sensible à la brise. L’immense plaine blanche était plus unie que les plateaux du Sahara ou les steppes de la Russie, et pour longtemps sans doute. Sur les eaux emprisonnées de la mer, cette cuirasse, s’épaississant avec l’aggravation des froids, garderait sa rigidité jusqu’au dégel… si le dégel devait jamais se produire !

Les Russes étaient habitués aux phénomènes de congélation des mers du Nord, qui offrent l’aspect d’un champ irrégulièrement cristallisé. Ils ne considérèrent donc pas sans surprise cette mer Gallienne, plane comme un lac, — ni sans satisfaction, non plus, car le champ de glace, parfaitement poli, se prêtait merveilleusement aux exercices du patinage. La Dobryna possédait un assortiment de patins, qui furent mis à la disposition des amateurs. Les amateurs affluèrent. Les Russes donnèrent des leçons aux Espagnols, et bientôt, pendant ces beaux jours, par ces froids vifs mais supportables en l’absence de tout vent, il n’y eut pas un Gallien qui ne s’exerçât à décrire les courbes les plus élégantes. La petite Nina et le jeune Pablo firent merveille et recueillirent force bravos. Le capitaine Servadac, adroit à tout exercice de gymnastique, devint bientôt l’égal de son professeur le comte Timascheff. Ben-Zouf, lui-même, accomplit des prodiges,