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KÉRABAN-LE-TÊTU.

— Le tour de la mer Noire ! » s’écria Ahmet.

Et il y eut un instant de silence.

« Ah çà ! reprit Kéraban, qu’y a-t-il d’étonnant, d’extraordinaire, s’il vous plaît, à ce que je me rende de Constantinople à Scutari en faisant le tour de la mer Noire ? »

Le banquier Sélim et Ahmet se regardèrent. Est-ce que le riche négociant de Galata était devenu fou ?

« Ami Kéraban, dit alors Sélim, nous ne songeons point à vous contrarier… »

C’était la phrase habituelle par laquelle on commençait prudemment toute conversation avec le têtu personnage.

« …Nous ne voulons pas vous contrarier, mais il nous semble que, pour aller directement de Constantinople à Scutari, il n’y a qu’à traverser le Bosphore !

— Il n’y a plus de Bosphore !

— Plus de Bosphore ?… répéta Ahmet.

— Pour moi, du moins ! Il n’y en a que pour ceux qui veulent se soumettre à payer un impôt inique, un impôt de dix paras par personne, un impôt dont le gouvernement des nouveaux Turcs vient de frapper ces eaux libres de tout droit jusqu’à ce jour !