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l’île à hélice.

— Cent millions de francs, s’écria le second violon, et pour une ville de dix mille âmes !…

— Comme vous dites, mon cher Frascolin, somme qui provient uniquement des taxes de douane. Nous n’avons pas d’octroi, les productions locales étant à peu près insignifiantes. Non ! rien que les droits perçus à Tribord-Harbour et à Bâbord-Harbour. Cela vous explique la cherté des objets de consommation, — cherté relative, s’entend, car ces prix, si élevés qu’ils vous paraissent, sont en rapport avec les moyens dont chacun dispose. »

Et voici Calistus Munbar qui s’emballe à nouveau, vantant sa ville, vantant son île — un morceau de planète supérieure tombé en plein Pacifique, un Éden flottant, où se sont réfugiés les sages, et si le vrai bonheur n’est pas là, c’est qu’il n’est nulle part ! C’est comme un boniment ! Il semble qu’il dise :

« Entrez, messieurs, entrez, mesdames !… Passez au contrôle !… Il n’y a que très peu de places !… On va commencer… Qui prend son billet… etc. »

Il est vrai, les places sont rares, et les billets sont chers ! Bah ! le surintendant jongle avec ces millions qui ne sont plus que des unités dans cette cité milliardaise !

C’est au cours de cette tirade, où les phrases se déversent en cascades, où les gestes se multiplient avec une frénésie sémaphorique, que le quatuor se met au courant des diverses branches de l’administration. Et d’abord, les écoles, où se donne l’instruction gratuite et obligatoire, qui sont dirigées par des professeurs payés comme des ministres. On y apprend les langues mortes et les langues vivantes, l’histoire et la géographie, les sciences physiques et mathématiques, les arts d’agrément, mieux qu’en n’importe quelle Université ou Académie du vieux monde, — à en croire Calistus Munbar. La vérité est que les élèves ne s’écrasent point aux cours publics, et, si la génération actuelle possède encore quelque teinture des études faites dans les collèges des États-Unis, la génération qui lui succédera aura moins d’instruction que de rentes. C’est là le point défectueux,