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l’île à hélice.

autres le tabac, ses labiées à grappes violettes, qui forment la parure recherchée des jeunes Nouka-Hiviennes, ses ricins hauts d’une dizaine de pieds, ses dracénas, ses cannes à sucre, ses orangers, ses citronniers, dont l’importation assez récente réussit à merveille dans ces terres imprégnées des chaleurs estivales et arrosées des multiples rios descendus des montagnes.

Et, un matin, lorsque le quatuor s’est élevé au delà du village des Taïs, en côtoyant un torrent, jusqu’au sommet de la chaîne, lorsque, sous ses pieds, devant ses yeux, se développent les vallées des Taïs, des Taïpis et des Happas, un cri d’admiration lui échappe ! S’il avait eu ses instruments, il n’aurait pas résisté au désir de répondre par l’exécution d’un chef-d’œuvre lyrique au spectacle de ces chefs-d’œuvre de la nature ! Sans doute, les exécutants n’eussent été entendus que de quelques couples d’oiseaux ! Mais elle est si jolie la colombe kurukuru qui vole à ces hauteurs, si charmante, la petite salangane, et il balaie l’espace d’une aile si capricieuse, le phaéton, hôte habituel de ces gorges nouka-hiviennes !

D’ailleurs, nul reptile venimeux à redouter au plus profond de ces forêts. On ne fait attention ni aux boas, longs de deux pieds à peine, aussi inoffensifs qu’une couleuvre, ni aux simques dont la queue d’azur se confond avec les fleurs.

Les indigènes offrent un type remarquable. On retrouve en eux le caractère asiatique, — ce qui leur assigne une origine très différente des autres peuplades océaniennes. Ils sont de taille moyenne, académiquement proportionnés, très musculeux, larges de poitrine. Ils ont les extrémités fines, la figure ovale, le front élevé, les yeux noirs à longs cils, le nez aquilin, les dents blanches et régulières, le teint ni rouge ni noir, bistré comme celui des Arabes, une physionomie empreinte à la fois de gaîté et de douceur.

Le tatouage a presque entièrement disparu, — ce tatouage qui s’obtenait non par entailles à la peau, mais par piqûres, saupoudrées du charbon de l’aleurite triloba. Il est maintenant remplacé par la cotonnade des missionnaires.