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îles marquises.

« Très beaux, ces hommes, dit Yvernès, moins peut-être qu’à l’époque où ils étaient simplement vêtus de leurs pagnes, coiffés de leurs cheveux, brandissant l’arc et les flèches ! »

Cette observation est présentée pendant une excursion à la baie Comptroller, en compagnie du gouverneur. Cyrus Bikerstaff a désiré conduire ses hôtes à cette baie, divisée en plusieurs ports, comme l’est La Valette, et, sans doute, entre les mains des Anglais, Nouka-Hiva serait devenue une Malte de l’océan Pacifique. En cette région s’est concentrée la peuplade des Happas, entre les gorges d’une campagne fertile, avec une petite rivière alimentée par une cascade retentissante. Là fut le principal théâtre de la lutte de l’Américain Porter contre les indigènes.

L’observation d’Yvernès demandait une réponse, et le gouverneur la fait en disant :

« Peut-être avez-vous raison, monsieur Yvernès. Les Marquisans avaient plus grand air avec le pagne, le maro et le pareo aux couleurs éclatantes, le ahu bun, sorte d’écharpe volante, et le tiputa, sorte de poncho mexicain. Il est certain que le costume moderne ne leur sied guère ! Que voulez-vous ? Décence est conséquence de civilisation ! En même temps que nos missionnaires s’appliquent à instruire les indigènes, ils les encouragent à se vêtir d’une façon moins rudimentaire.

— N’ont-ils pas raison, commodore ?

— Au point de vue des convenances, oui ! Au point de vue hygiénique, non ! Depuis qu’ils sont habillés plus décemment, les Nouka-Hiviens et autres insulaires ont, n’en doutez pas, perdu de leur vigueur native, et aussi de leur gaîté naturelle. Ils s’ennuient, et leur santé en a souffert. Ils ignoraient autrefois les bronchites, les pneumonies, la phtisie…

— Et depuis qu’ils ne vont plus tout nus, ils s’enrhument… s’écrie Pinchinat.

— Comme vous dites ! Il y a là une sérieuse cause de dépérissement pour la race.