Page:Verne - L'Île à hélice, Hetzel, 1895.djvu/431

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
394
l’île à hélice.

partiments. Aussi personne n’a-t-il songé à rentrer dans sa maison. Le parc regorge de monde. On campe en plein air. D’un côté éclatent les cris : « Hurrah pour Tankerdon ! », de l’autre : « Hurrah pour Coverley ! » Les yeux lancent des éclairs, les poings se tendent. La guerre civile va-t-elle donc se manifester par les pires excès, maintenant que la population est arrivée au paroxysme de l’affolement ?…

Quoi qu’il en soit, ni les uns ni les autres ne veulent rien voir du danger qui est proche. On ne cédera pas, dût le Joyau du Pacifique se briser en mille morceaux, et il continuera de tourner ainsi jusqu’à l’heure où, faute de courants, les dynamos cesseront d’actionner les hélices…

Au milieu de cette irritation générale, à laquelle il ne prend aucune part, Walter Tankerdon est en proie à la plus vive angoisse. Il craint non pour lui, mais pour miss Dy Coverley, quelque subite dislocation qui anéantisse Milliard-City. Depuis huit jours, il n’a pu revoir celle qui fut sa fiancée et qui devrait être sa femme. Aussi, désespéré, a-t-il vingt fois supplié son père de ne pas s’entêter à cette déplorable manœuvre… Jem Tankerdon l’a éconduit sans vouloir rien entendre…

Alors, dans la nuit du 27 au 28 mars, profitant de l’obscurité, Walter essaye de rejoindre la jeune fille. Il veut être près d’elle si la catastrophe se produit. Après s’être glissé au milieu de la foule qui encombre la Unième Avenue, il pénètre dans la section ennemie, afin de gagner l’hôtel Coverley…

Un peu avant le lever du jour, une formidable explosion ébranle l’atmosphère jusque dans les hautes zones. Poussées au delà de ce qu’elles peuvent supporter, les chaudières de bâbord viennent de sauter avec les bâtiments de la machinerie. Et, comme la source d’énergie électrique s’est brusquement tarie de ce côté, la moitié de Standard-Island est plongée dans une obscurité profonde…