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l’île à hélice.

mense corbeille de fleurs, où s’épanouissent les azalées, les clématites, les jasmins, les glycines, les passiflores, les bégonias, les salvias, les jacinthes, les dahlias, les camélias, des roses de cent espèces. Les promeneurs affluent, — des hommes faits, des jeunes gens, non point de ces « petits vernis » qui sont la honte des grandes cités européennes, mais des adultes vigoureux et bien constitués. Des femmes et des jeunes filles, la plupart en toilettes jaune-paille, ce ton préféré sous les zones torrides, promènent de jolies levrettes à paletots de soie et à jarretières galonnées d’or. Çà et là, cette gentry suit les allées de sable fin, capricieusement dessinées entre les pelouses. Ceux-ci sont étendus sur les coussins des cars électriques, ceux-là sont assis sur les bancs abrités de verdure. Plus loin de jeunes gentlemen se livrent aux exercices du tennis, du crocket, du golf, du foot-ball, et aussi du polo, montés sur d’ardents poneys. Des bandes d’enfants, — de ces enfants américains d’une exubérance étonnante, chez lesquels l’individualisme est si précoce, les petites filles surtout, — jouent sur les gazons. Quelques cavaliers chevauchent des pistes soigneusement entretenues, et d’autres luttent dans d’émouvants garden-partys.

Les quartiers commerçants de la ville sont encore fréquentés à cette heure.

Les trottoirs mobiles se déroulent avec leur charge le long des principales artères. Au pied de la tour, dans le square de l’observatoire, se produit une allée et venue de passants dont les prisonniers ne seraient pas gênés d’attirer l’attention. Aussi, à plusieurs reprises, Pinchinat et Frascolin poussent-ils de retentissantes clameurs. Pour être entendus, ils le sont, car des bras se tendent vers eux, des paroles même s’élèvent jusqu’à leur oreille. Mais aucun geste de surprise. On ne paraît point s’étonner du groupe sympathique qui s’agite sur la plate-forme. Quant aux paroles, elles consistent en goode-bye, en how do you do, en bonjours et autres formules empreintes d’amabilité et de politesse. On dirait que la population milliardaise est informée de l’arrivée des quatre Pari-