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le pays des fourrures.

À partir de ce point, épuisée par la fatigue et la faim, elle ne s’avança plus qu’en rampant.

Mais un immense espoir était entré dans le cœur de la jeune indigène. À quelques pas du littoral, elle avait enfin reconnu ce cap Esquimau au pied duquel avaient campé les siens et elle l’année précédente. Elle savait qu’elle n’était plus qu’à huit milles de la factorerie, qu’il ne lui faudrait plus que suivre ce chemin qu’elle avait si souvent parcouru, quand elle allait visiter ses amis du fort Espérance.

Oui ! cette pensée la soutint. Mais, enfin, arrivée au rivage, n’ayant plus aucune force, elle tomba sur la neige et perdit une dernière fois connaissance. Sans Mrs. Paulina Barnett, elle mourrait là !

« Mais, dit-elle, ma bonne dame, je savais bien que vous viendriez à mon secours et que mon Dieu me sauverait par vos mains ! »

On sait le reste ! On sait quel providentiel instinct entraîna ce jour même Mrs. Paulina Barnett et Madge à explorer cette partie du littoral, et quel dernier instinct les porta à visiter le cap Esquimau, après leur halte au taillis et avant leur retour à la factorerie. On sait aussi — ce que Mrs. Paulina Barnett apprit à la jeune indigène — comment eut lieu cette rupture du glaçon et ce que fit l’ours en cette circonstance.

Et même, Mrs. Paulina Barnett ajouta en souriant :

« Ce n’est pas moi qui t’ai sauvée, mon enfant, c’est cet honnête animal ! Sans lui, tu étais perdue, et si jamais il revient vers nous, on le respectera comme ton sauveur ! »

Pendant ce récit, Kalumah, bien restaurée et bien caressée, avait repris ses forces. Mrs. Paulina Barnett lui proposa de retourner au fort immédiatement, afin de ne pas prolonger son absence. La jeune Esquimaude se leva aussitôt, prête à partir.

Mrs. Paulina Barnett avait en effet hâte d’informer Jasper Hobson des incidents de cette matinée, et de lui apprendre ce qui s’était passé pendant la nuit de la tempête, lorsque l’île errante s’était rapprochée du littoral américain.

Mais avant tout, la voyageuse recommanda à Kalumah de garder un secret absolu sur ces événements, aussi bien que sur la situation de l’île. Elle serait censée être venue tout naturellement par le littoral, afin d’accomplir la promesse qu’elle avait faite de visiter ses amis pendant la belle saison. Son arrivée même serait de nature à confirmer les habitants de la factorerie dans la pensée qu’aucun changement ne s’était produit au territoire du cap Bathurst, pour le cas où quelques-uns auraient eu des soupçons à cet égard.

Il était trois heures environ, quand Mrs. Paulina Barnett, la jeune indi-