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le pays des fourrures.

culiers aux hautes latitudes, tels qu’aurores boréales, halos, parasélènes, etc.

Enfin, pendant les derniers jours, chacun avait fait une telle diligence et travaillé avec tant de zèle, que, dans la matinée du 18 novembre, on eût été prêt à partir.

Malheureusement, le champ n’était pas encore praticable. Si la température s’était un peu abaissée, le froid n’avait pas été assez vif pour solidifier uniformément la surface de la mer. La neige, très fine d’ailleurs, ne tombait pas d’une manière égale et continue. Jasper Hobson, Marbre et Sabine avaient chaque jour parcouru le littoral de l’île depuis le cap Michel jusqu’à l’angle de l’ancienne baie des Morses. Ils s’étaient même aventurés sur l’icefield dans un rayon d’un mille et demi à peu près, et ils avaient bien été forcés de reconnaître que des crevasses, des entailles, des fissures le fêlaient de toutes parts. Non seulement des traîneaux, mais des piétons eux-mêmes, libres de leurs mouvements, n’auraient pu s’y hasarder. Les fatigues du lieutenant Hobson et de ses deux hommes pendant ces courtes expéditions avaient été extrêmes, et plus d’une fois ils crurent que, sur ce chemin changeant et au milieu des glaçons mobiles encore, ils ne pourraient regagner l’île Victoria.

Il semblait vraiment que la nature s’acharnât contre ces infortunés hiverneurs. Pendant les journées du 18 et du 19 novembre, le thermomètre remonta, tandis que le baromètre baissait de son côté. Cette modification dans l’état atmosphérique devait amener un résultat funeste. En même temps que le froid diminuait, le ciel s’emplissait de vapeurs. Avec trente-quatre degrés Fahrenheit (1°,11 centig. au-dessus de zéro), ce fut de la pluie, non de la neige, qui tomba en grande abondance. Ces averses, relativement chaudes, fondaient la couche blanche en maint endroit. On se figure l’effet de ces eaux du ciel sur l’icefield qu’elles achevaient de désagréger. On aurait vraiment pu croire à une débâcle prochaine. Il y avait sur les glaçons des traces de dissolution comme au moment du dégel. Le lieutenant Hobson qui, malgré cet horrible temps, alla tous les jours au sud de l’île, revint, un jour, désespéré.

Le 20, une nouvelle tempête, à peu près semblable par son extrême violence à celle qui avait assailli l’île un mois auparavant, se déchaîna sur ces funestes parages de la mer polaire. Les hiverneurs durent renoncer à mettre le pied au-dehors, et pendant cinq jours, ils furent confinés dans le fort Espérance.