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où l’île se fait îlot

À cette parole de Kellet, personne n’avait répondu. Mais un quart d’heure ne s’était pas écoulé, que le bruit d’un craquement se faisait entendre. Le sommet des icebergs s’ébranlait, leur masse se détachait, et tandis que l’île restait en arrière, les icebergs, irrésistiblement entraînés par le courant sous-marin, dérivaient rapidement vers le sud.


CHAPITRE XXI.

où l’île se fait îlot


Trois heures plus tard, les derniers morceaux de la banquise avaient déjà disparu au-dessous l’horizon. Cette disparition si rapide prouvait que, maintenant, l’île demeurait presque stationnaire. C’est que toute la force du courant résidait dans les couches basses, et non à la surface de la mer.

Du reste, le point fut fait à midi, et donna un relèvement exact. Vingt-quatre heures après, le nouveau point constatait que l’île Victoria ne s’était pas déplacée d’un mille !

Restait donc une chance de salut, une seule : c’est qu’un navire, quelque baleinier, passant en ces parages, recueillît les naufragés, soit qu’ils fussent encore sur l’île, soit que le radeau l’eût remplacée après sa dissolution.

L’île se trouvait alors par 54°33’ de latitude et 177°19’ de longitude, à plusieurs centaines de milles de la terre la plus rapprochée, c’est-à-dire des Aléoutiennes.

Le lieutenant Hobson, pendant cette journée, rassembla ses compagnons et leur demanda une dernière fois ce qu’il convenait de faire.

Tous furent du même avis : demeurer encore et toujours sur l’île tant qu’elle ne s’effondrerait pas, car sa grandeur la rendait encore insensible à l’état de la mer ; puis, quand elle menacerait définitivement de se dissoudre, embarquer toute la petite colonie sur le radeau, et attendre !

Attendre !

Le radeau était alors achevé. Mac Nap y avait construit une vaste cabane, sorte de rouffle, dans lequel tout le personnel du fort pouvait se mettre à l’abri. Un mât avait été préparé, que l’on pourrait dresser en cas de besoin, et les voiles qui devaient servir au bateau étaient prêtes depuis longtemps. L’appareil était solide, et si le vent soufflait du bon côté, si