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LE SECRET DE WILHELM STORITZ.

« Monsieur Vidal, me dit-il, ne sentez-vous pas une odeur particulière, et qui a déjà affecté notre odorat quelque part ?

En effet, il restait dans l’air comme une vague senteur. Le souvenir me revint. Je m’écriai :

— L’odeur de cette liqueur contenue dans la fiole qui s’est brisée, monsieur Stepark, au moment où vous alliez la prendre dans le laboratoire de Storitz ?

— C’est cela, monsieur Vidal, et ce fait autorise bien des hypothèses. Si cette liqueur est, comme je le suppose, celle qui produit l’invisibilité, peut-être Wilhelm Storitz en a-t-il fait absorber à Mlle Roderich et l’a-t-il emportée aussi invisible que lui-même. »

Nous étions attérés. Oui, les choses avaient dû se passer ainsi. Il me paraissait certain, maintenant, que Wilhelm Storitz était dans son laboratoire pendant la perquisition et qu’il avait brisé cette fiole, dont la liqueur s’était si vite évaporée, plutôt que de la laisser tomber entre nos mains. Oui ! C’était bien cette odeur si caractéristique dont nous retrouvions ici la trace. Oui ! Wilhelm Storitz, à la faveur des allées et venues nécessitées par le départ, était entré dans cette chambre, et il avait enlevé Myra Roderich.

Quelle nuit, moi près de mon frère, le docteur près de Mme Roderich ! Avec quelle impatience nous attendions le jour !

Le jour ?… Et à quoi nous servirait qu’il fît jour ?… La lumière existait-elle pour Wilhelm Storitz ? Ne savait-il pas s’entourer d’une nuit impénétrable ?

M. Stepark ne nous quitta qu’à l’aube pour se rendre à la Résidence. Avant de partir, il me prit à part et me tint ce discours inexplicable, inexplicable surtout en de telles circonstances :

« Un seul mot, monsieur Vidal, me dit-il. Ne perdez pas, courage, car, ou je me trompe fort, ou vous touchez à la fin de vos peines. »

Je ne répondis pas à ces paroles encourageantes qui me