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XIX


Tel fut, ce jour-là, 2 juillet, le dénouement de l’histoire étrange qu’il m’a pris fantaisie de raconter. Je conçois qu’elle paraisse incroyable. Il ne faudrait, dans ce cas, en accuser que l’insuffisance de l’auteur. L’histoire n’est malheureusement que trop vraie, bien qu’elle soit unique dans les annales du passé, bien qu’elle doive, je l’espère fermement, rester unique dans les annales de l’avenir.

Il va sans dire que mon frère et Myra avaient abandonné leurs projets d’autrefois. Il ne pouvait plus être question d’un voyage en France. Je prévoyais même que Marc ne ferait plus à Paris que de rares apparitions, et qu’il se fixerait, définitivement à Ragz. Gros chagrin pour moi, auquel je devais me résigner.

Le mieux, en effet, serait de vivre, sa femme et lui, près de M. et Mme Roderich. Le temps arrange tout, et Marc s’accoutumerait à cette existence. Myra s’ingéniait, d’ailleurs, à donner l’illusion de sa présence ; On savait toujours où elle était, ce qu’elle faisait. Elle était l’âme de la maison, invisible comme une âme.

Au surplus, sa forme matérielle n’était pas entièrement disparue. N’avait-on pas l’admirable portrait d’elle fait par Marc ? Myra, aimait à s’asseoir près de cette toile, et, de sa voix réconfortante, elle disait :

« Je suis là, je suis redevenue visible, et vous me voyez comme je me vois. »