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LE SUPERBE ORÉNOQUE.

amis avaient voulu reconnaître l’est du fleuve. Laissant leur pirogue et leurs bagages à la Urbana, l’un avait emporté ses instruments d’observation plus une excellente carabine Hammerless à répétition et à éjecteur Greener, l’autre s’était chargé de sa boîte de naturaliste, et d’une non moins excellente arme de la même maison, — sans compter deux revolvers serrés dans leur étui de cuir.

En quittant la Urbana, Jacques Helloch et Germain Paterne s’étaient dirigés vers le massif de la sierra Matapey, imparfaitement visitée jusqu’alors. Une escorte de Mapoyos, chargée d’un léger matériel de campement, les accompagnait. Trois cents kilomètres les séparaient des rives de l’Orénoque, lorsqu’ils furent à la limite extrême de leur expédition, qui avait duré un peu plus de trois semaines. Après avoir étudié le cours du Suapure dans le sud, et du rio Tortuga ou rio Chaffanjon dans le nord, procédé à des levés orographiques et hydrographiques, colligé des plantes qui allaient enrichir l’herbier du naturaliste, ils avaient, quinze jours auparavant, commencé leur voyage de retour.

C’est alors que de graves et inattendues éventualités s’étaient produites.

Et d’abord, les deux jeunes gens furent attaqués par un parti de ces Indiens Bravos qui errent en bandes à l’intérieur du territoire. Lorsqu’ils eurent, non sans péril, repoussé ces attaques, ils durent rétrograder avec l’escorte jusqu’au pied de la sierra Matapey, où le guide et ses hommes les abandonnèrent traîtreusement. Volés de leur matériel, réduits à leurs instruments et à leurs armes, quand ils se trouvaient encore à vingt lieues de la Urbana, ils résolurent de se diriger vers la bourgade, chassant pour assurer la nourriture quotidienne, couchant sous les arbres, l’un dormant, l’autre veillant tour à tour.

Et c’est ainsi que, quarante-huit heures auparavant, à la suite du tremblement de terre qui secouait la région, cet invraisemblable exode de tortues vint les surprendre à leur campement. S’ils ne purent devancer cette masse, c’est que le passage fut fermé par les