Page:Verne - Le Volcan d’or version originale.djvu/167

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nullement à s’inquiéter. Sa seule préoccupation était de ramener Ben Raddle à Dawson-City, où les soins ne lui manqueraient pas, d’y attendre son rétablissement, et, s’il en était temps encore, de reprendre le chemin de Skagway, le chemin de Vancouver, le chemin de Montréal. Ben Raddle et lui n’avaient plus aucun motif de prolonger leur séjour au Klondike. Le 129 ne rencontrerait plus d’acquéreur dès lors qu’il gisait sous sept où huit pieds d’eau. Le mieux serait donc de quitter le plus tôt possible cet abominable pays, « où, disait Summy Skim, non sans quelque raison, des gens sains d’esprit et de corps n’auraient jamais dû mettre le pied ».

Et ce qui faisait pour lui l’objet de réflexions des plus pénibles, c’était la crainte très naturelle que la guérison de Ben Raddle exigeât plusieurs semaines.

En effet, la première quinzaine du mois d’août allait prendre fin. La seconde ne s’acheverait pas sans que l’hiver, si précoce sous cette haute altitude, ne fût arrivé, et ne rendît impraticable la traversée des régions lacustres et le passage du Chilkoot. Le Yukon lui-même ne tarderait pas à devenir innavigable, et les derniers steamboats seraient partis pour le descendre jusqu’à son embouchure.

Or, la perspective de rester pendant sept ou huit mois enseveli sous les neiges du Klondike, avec des froids de cinquante à soixante degrés, était rien moins qu’agréable. Donc, sans perdre un jour, il fallait rentrer à Dawson-City, confier Ben Raddle aux soins du docteur Pilcox, le remettre entre les mains de sœur Marthe et de sœur Madeleine, avec injonction de se rétablir dans le plus court délai.

Et, en premier lieu, il y eut à se préoccuper des moyens de transport. Par bonne chance, Neluto retrouva sa carriole intacte, car il l’avait remisée sur un épaulement hors de l’atteinte des eaux. Quant au cheval, qui pâturait en liberté, pris d’épouvante, il avait redescendu les pentes du ravin et fut ramené à son maître.

« Eh bien, partons… partons à l’instant, répéta Summy Skim.

— Oui, répondit Ben Raddle, et je regrette bien de t’avoir engagé dans cette triste affaire…

— Il ne s’agit pas de moi, mais de toi, répliqua Summy Skim. Nous allons t’emmailloter la jambe du mieux possible, nous t’étendrons dans la carriole sur une bonne litière d’herbe sèche. J’y prendrai place avec Neluto, et Lorique nous rejoindra à Dawson-City comme il le pourra. Nous marcherons aussi vite, non… je veux dire aussi lentement qu’il sera nécessaire afin de t’éviter les cahots. Une fois admis à l’hôpital, tu n’auras plus rien à craindre. Le docteur Pilcox te remettra sur pied, et fasse le Ciel que nous puissions repartir avant la mauvaise saison…

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