« Qu’est-ce donc ? » demanda Kin-Fo.
Les traits de Lé-ou s’étaient altérés. Un secret pressentiment accélérait les battements de son cœur.
Tout à coup, la foule fit irruption dans la rue. Elle entourait un héraut à la livrée impériale, qu’escortaient plusieurs tipaos.
Et ce héraut, au milieu du silence général, jeta ces seuls mots, auxquels répondit un sourd murmure :
Interdiction ! Interdiction ! »
Kin-Fo avait compris. C’était un coup qui le frappait directement. Il ne put retenir un geste de colère !
Le deuil impérial venait d’être décrété pour la mort de la veuve du dernier empereur. Pendant un délai que fixerait la loi, interdiction à quiconque de se raser la tête, interdiction de donner des fêtes publiques et des représentations théâtrales, interdiction aux tribunaux de rendre la justice, interdiction de procéder à la célébration des mariages !
Lé-ou, désolée, mais courageuse, pour ne pas ajouter à la peine de son fiancé, faisait contre fortune bon cœur. Elle avait pris la main de son cher Kin-Fo :
« Attendons », lui dit-elle d’une voix qui s’efforçait de cacher sa vive émotion.
Et le palanquin repartit avec la jeune femme pour sa maison de l’avenue de Cha-Coua, et les réjouissances furent suspendues, les tables desservies, les orchestres renvoyés, et les amis du désolé Kin-Fo se séparèrent, après lui avoir fait leurs compliments de condoléance.
C’est qu’il ne fallait pas se risquer à enfreindre cet impérieux décret d’interdiction !
Décidément, la mauvaise chance continuait à poursuivre Kin-Fo. Encore une occasion qui lui était donnée de mettre à profit les leçons de philosophie qu’il avait reçues de son ancien maître !
Kin-Fo était resté seul avec Craig et Fry dans cet appartement désert de l’hôtel du « Bonheur Céleste », dont le nom lui semblait maintenant un amer sarcasme. Le délai d’interdiction pouvait être prolongé suivant le bon plaisir du Fils du Ciel ! Et lui qui avait compté retourner immédiatement à Shang-Haï, pour