Page:Verne - Mirifiques aventures de Maître Antifer, Partie II, 1894.djvu/97

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En se promenant, le gabarier était tout yeux et tout oreilles. Il essayait d’entendre les propos qui se tenaient çà et là, bien qu’il n’y dût rien comprendre ; il cherchait à voir ce qui se passait à l’intérieur de ces cafés, au fond de ces boutiques, quoiqu’il ne dût rien acheter dans les unes ni consommer dans les autres. Puisque la fantasque fortune l’avait lancé en cet invraisemblable voyage, c’était le moins qu’il rapportât quelques impressions durables.

Et il s’abandonnait à dire :

« Non, Juhel, il n’est pas permis de cheminer comme nous le faisons !… On ne s’arrête nulle part !… Trois heures à Soukharas… une nuit à Bône… puis deux jours de chemin de fer avec de courtes haltes aux stations !… Qu’est-ce que j’aurai vu de la Tunisie… et que verrai-je de l’Algérie ?…

— J’en conviens, monsieur Trégomain… Quoique tout cela n’aie pas le sens commun, interpellez là-dessus mon oncle, et vous verrez comme il vous recevra !… Il ne s’agit pas d’un voyage d’agrément, mais d’un voyage d’affaires !… Et qui sait à quoi il doit aboutir ?…

— À une mystification, j’en ai bien peur ! répondit le gabarier.