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le jeu de len burker.

— Me délivrer ! »

Le capitaine John ne parvint à se dominer qu’au prix d’un violent effort. Il lui semblait qu’il allait devenir fou, que sa raison était sur le point de l’abandonner…

Enfin, lorsqu’il fut redevenu maître de lui, il eut la pensée de se jeter hors de la hutte… Il n’osa pas… Len Burker lui avait parlé de sa délivrance !… Mais était-il libre ?… Et Willi !… Et les Indas ?…

« Parlez, Len, parlez ! » dit-il, après s’être croisé les bras, comme s’il eût voulu empêcher sa poitrine d’éclater.

Alors Len Burker, fidèle au plan qu’il avait formé de ne dire qu’une partie des choses et de s’attribuer tout le mérite de cette campagne, allait raconter les faits à sa façon, lorsque John, d’une voix étranglée par l’émotion, s’écria :

« Et Dolly ?… Dolly ?…

— Elle est vivante, John.

— Et Wat… mon enfant ?…

— Vivants… tous deux… et tous deux… à San-Diégo.

— Ma femme… mon fils !… » murmura John, dont les yeux se noyèrent de larmes.

Puis il ajouta :

« Maintenant, parlez… Len… parlez !… J’ai la force de vous entendre ! »

Et Len Burker, poussant l’effronterie jusqu’à le regarder en face, lui dit :

« John, il y a quelques années, lorsque personne ne pouvait plus mettre en doute la perte du Franklin, ma femme et moi nous dûmes quitter San-Diégo et l’Amérique. De graves intérêts m’appelaient en Australie, et je me rendis à Sydney, où j’avais fondé un comptoir. Depuis notre départ, Jane et Dolly ne cessèrent jamais de rester en correspondance, car vous savez quelle affection les unissait l’une à l’autre, affection que ni le temps ni la distance ne pouvaient affaiblir.