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nord contre sud.

sans retard à Castle-House. Là, on serait relativement en sûreté, et s’il fallait chercher une autre retraite, s’il fallait s’enfoncer dans l’intérieur du pays jusqu’au moment où les fédéraux en auraient assuré la tranquillité par leur présence, il serait plus facile de le faire.

Ainsi sollicité, Walter Stannard résolut d’abandonner momentanément Jacksonville et de se réfugier à Camdless-Bay. Il partit dans la matinée du 23, aussi secrètement que possible, sans avoir rien laissé pressentir de ses projets. Une embarcation l’attendait au fond d’une petite crique du Saint-John, à un mille en amont. Miss Alice et lui s’y embarquèrent, traversèrent rapidement le fleuve, et arrivèrent au petit port, où ils trouvèrent la famille Burbank.

Il est facile d’imaginer quel accueil leur fut fait. Déjà miss Alice n’était-elle pas une fille pour Mme Burbank ? Tous se trouvaient maintenant réunis. Ces mauvais jours, on les passerait ensemble, avec plus de sécurité et surtout avec de moindres angoisses.

En somme, il n’était que temps de quitter Jacksonville. Le lendemain, la maison de M. Stannard fut attaquée par une bande de malfaiteurs, qui abritaient leurs violences sous un prétendu patriotisme local. Les autorités eurent grand’peine à en empêcher le pillage, comme à préserver quelques autres habitations, qui appartenaient à d’honnêtes citoyens, opposés aux idées séparatistes. Évidemment, l’heure approchait où ces magistrats seraient débordés et remplacés par des chefs d’émeute. Ceux-ci, loin de réprimer les violences, les provoqueraient au contraire.

Et, en effet, ainsi que M. Stannard l’avait dit à Zermah, Texar s’était décidé, depuis quelques jours, à quitter sa retraite inconnue pour venir à Jacksonville. Là, il avait retrouvé ses compagnons habituels, recrutés parmi les plus détestables sectaires de la population floridienne, venus des diverses plantations situées sur les deux rives du fleuve. Ces forcenés prétendaient imposer leurs volontés dans les villes comme dans la campagne. Ils correspondaient avec la plupart de leurs adhérents des divers comtés de la Floride. En mettant en avant la question de l’esclavage, ils gagnaient chaque jour du terrain. Quelque temps encore, à Jacksonville comme à Saint-Augustine, où