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TERRE ! TERRE !

— Que feras-tu ? répéta Mrs Weldon.

— Je serai forcé de mettre mon navire à la côte, répondit le novice, dont le front s’obscurcit un instant. Ah ! c’est une dure extrémité, et Dieu veuille que nous n’en soyons pas réduits là ! Mais, je vous le répète, mistress Weldon, l’apparence du ciel est rassurante, et il n’est pas possible qu’un bâtiment ou un bateau-pilote ne nous rencontrent pas ! Donc, bon espoir ! Nous avons le cap sur la terre, et nous la verrons avant peu ! »

Oui, mettre son navire à la côte, c’est là une dernière extrémité, à laquelle le plus énergique marin ne se résout pas sans épouvante ! Aussi, Dick Sand ne voulait pas la prévoir, tant qu’il avait pour lui quelques chances d’y échapper.

Pendant quelques jours, il y eut dans l’état de l’atmosphère des alternatives qui rendirent, de nouveau, le novice très inquiet. Le vent se maintenait toujours à l’état de grande brise, et certaines oscillations de la colonne barométrique indiquaient qu’il tendait à fraîchir. Dick Sand se demandait donc, non sans appréhension, s’il ne serait pas encore forcé de fuir à sec de toile. Il avait si grand intérêt, cependant, à conserver au moins son hunier, qu’il résolut de le garder, tant qu’il ne risquerait pas d’être emporté. Mais, pour assurer la solidité des mâts, il fit raidir les haubans et galhaubans. Avant tout, il ne fallait pas compromettre la situation, qui serait devenue des plus graves, si le Pilgrim eût été désemparé de sa mâture.

Une ou deux fois aussi, le baromètre remontant, on put craindre que le vent ne changeât cap pour cap, c’est-à-dire qu’il ne passât dans l’est. Il aurait alors fallu prendre le plus près !

Nouvelle anxiété pour Dick Sand. Qu’eût-il fait avec un vent contraire ? Courir des bordées ? Mais, s’il était obligé d’en venir là, que de retards nouveaux et quels risques d’être rejeté au large !

Ces craintes ne se réalisèrent pas, heureusement. Le vent, après avoir varié pendant quelques jours, halant tantôt le nord, tantôt le sud, se fixa définitivement à l’ouest. Mais c’était toujours une forte brise de grand frais, qui fatiguait la mâture.

On était au 5 avril. Ainsi donc, plus de deux mois s’étaient écoulés déjà depuis que le Pilgrim avait quitté la Nouvelle-Zélande. Pendant vingt jours, un vent contraire et de longs calmes avaient retardé sa marche. Ensuite, il s’était trouvé dans les conditions favorables pour gagner rapidement la terre. Sa vitesse même avait dû être très considérable pendant la tempête. Dick Sand n’estimait pas sa moyenne à moins de deux cents milles par jour ! Comment