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de trois russes et de trois anglais

« Je crois qu’il remue encore un peu, sir John ! » dit simplement le chasseur.

Sir John ne se possédait plus. Son sang-froid l’abandonna entièrement. Ces huit livres qu’il devait au bushman, il les risqua sur une cinquième balle. Il perdit encore, il doubla, il doubla toujours, et ce ne fut qu’au neuvième coup de son rifle, que le vivace pachyderme, le cœur traversé enfin, tomba pour ne plus se relever.

Alors, son Honneur poussa un hurrah ! Ses paris, son désappointement, il oublia tout, pour ne se souvenir que d’une chose : il avait tué son rhinocéros.

Mais, comme il le dit plus tard à ses collègues du Hunter-Club de Londres : « C’était une bête de prix ! »

Et, en effet, elle ne lui avait pas moins coûté de trente-six livres[1], somme considérable que le bushman encaissa avec son calme habituel.



CHAPITRE XVI

incidents divers.

À la fin du mois de septembre, les astronomes s’étaient élevés d’un degré de plus vers le nord. La portion de la méridienne, déjà mesurée au moyen de trente-deux triangles, s’étendait alors sur quatre degrés. C’était la moitié de la tâche accomplie. Les trois savants y apportaient un zèle extrême ; mais réduits à trois, ils éprouvaient parfois de telles fatigues qu’ils devaient suspendre leurs travaux pendant quelques jours. La chaleur était très forte alors et véritablement accablante. Ce mois d’octobre de l’hémisphère austral correspond au mois d’avril de l’hémisphère boréal, et sous le vingt-quatrième parallèle sud règne la température élevée des régions algériennes. Déjà, pendant la journée, certaines heures après midi ne permettaient aucun travail. Aussi, l’opération trigonométrique éprouvait-elle quelques retards qui inquiétaient principalement le bushman. Voici pourquoi.

Dans le nord de la méridienne, à une centaine de milles de la dernière station relevée par les observateurs, l’arc coupait une région singulière, un « karrou » en langue indigène, analogue à celui qui est situé au pied

  1. Neuf cents francs.