Page:Verrier - Essai sur les principes de la métrique anglaise, 2e partie, 1909.djvu/199

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1 activité, il discipline 1 attention, il unit les volontés et les pensées dans une ardeur commune, multipliée par un mutuel entraînement, il fait chan- ter dans le cœur et dans le corps la joie de vivre et la joie au travail. Mais, pour Dieu ! qu'on ne transforme par les prétendues leçons de chant en agaçant ou endormant solfège pratique, en catéchisme abstrus de solfège théorique (i), en languissantes préparations à des chœurs froids ou com- pliqués, dont aucune partie ne peut se chanter seule avec le moindre inté- rêt ! Ce qu'il faut, ce sont des chansons bien vivantes, chantées simple- ment à l'unisson ou ii intervalles faciles, des chansons qui se gravent dans la mémoire et reviennent d'elles-mêmes sur les lèvres, plus tard, à l'atelier ou au régiment, comme dans ces fêtes où autour de la table joyeuse

On entend retentir les refrains des dimanches.

Baldel.uue, Le Vin.

Qu'on ne s'obstine pas à les chercher à l'étranger, où le rythme diffère du nôtre, mais qu'on puise à pleines mains dans nos vieux airs français, oii pétille l'entrain de notre race ! Rythmés comme des marches ou des danses, parfois avec une légère pointe de sentimentalité, ils ne cessaient autrefois d'égayer la vie à la campagne et à la ville, dans la rue et dans la famille, au travail et à la guerre. Nos affaires n'en allaient pas plus mal. Quel est donc ce général de la Révolution qui demandait mille soldats de plus ou cinq cents exemplaires de la Marseillaise ?

Plus de chansons à travailler, aujourd'hui, ou si peu ! Le travail n'a plus de ces rythmes sonores et souples, nettement cadencés, qui s'adap- tent peu ou prou au tempo de chacun et provoquent l'accompagnement du chant. Autour de machines au rythme monotone, uniforme, indéfini, trop rapide ou trop lent, tyrannique, impitoyable pour les faibles et épuisant pour tous, nos ouvriers peinent sans entrain dans un morne silence. Leurs nerfs s'usent, leur sang s'apauvrit, leurs joues pâlissent.

Leurs yeux creux sont peuplés de visions nocturnes.

Baudelaire, La Muse malade.

Ecoliers et ouvriers, qu'on rende à tous le fortifiant soutien du rythme, la joie du ivthme ! 11 nous faut des hommes sains et robustes, dont les pensées et les résolutions, en même temps que le fluide nerveux et le sang,

coulent à Ilots rvthmiques, Comme les sons nombreux des syllabes antiques. Où régnent tour à tour le père des chansons, Phœbus, et le ar:>nd Pan, le seigneur des moissons.

Ih.

(i) Avant de faire cliantcr les élèves, on veut leur apprendre à chanter. Bicntùt, avant de per- mettre aux bi'bés d'essaver leurs premiers pas, on leur enseignera métliodiquement les mouve- ments et la théorie de la marche ; avant de leur permettre de parler, on leur inculquera la pho- nétique et la grammaire.