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de feuillage, au pied d’un arbre ; puis, ils repartirent. Au bout d’une heure de marche, la jeune femme tomba tout à coup de cheval, criant au milieu de ses sanglots : Ma fille ! ma fille ! Son mari revint sur ses pas, arriva en vue de l’arbre : un énorme serpent avait enveloppé l’enfant dans les replis de sa queue. Chaja poussa un tel cri d’épouvante que le reptile effrayé rentra dans le creux de l’arbre. Le père ramassa sa fille, rejoignit sa femme, et à ce moment apparurent enfin des voyageurs qui donnèrent des vivres aux deux malheureux et les conduisirent jusqu’à Lahore.

Si les historiens arabes qui nous ont conté la vie de la fille de Chaja ont peut-être mis un peu de légende autour de son berceau, la suite de son histoire n’est pas moins extraordinaire, quoique parfaitement authentique.

Un omrah, nommé Azof-Khan, parent éloigné de Chaja, l’accueillit avec bienveillance et en fit son secrétaire. Le Tartare se distingua dans ses fonctions, fut présenté à l’empereur, obtint un commandement, attira l’attention du maître et devint grand trésorier de l’empire. Sa fille reçut une brillante éducation ; on lui donna le nom de Mher-oul-Nissa (soleil des femmes).

Le prince Sélim, fils aîné d’Akbar et désigné pour lui succéder, dînait un soir chez le grand trésorier. Après le banquet, on apporta du vin et des coupes ; les femmes du harem, voilées, vinrent chanter et danser. Mher-oul-Nissa était du nombre. À peine eut-elle vu le prince qu’elle songea à devenir impératrice. Elle chanta, elle dansa des danses voluptueuses : puis, quand elle lut le désir dans les yeux du prince, elle laissa comme par mégarde tom-