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leurs moindres serviteurs. Tel fut leur faste que jusqu’au fond de l’Occident leur nom devint synonyme de magnificence. Il l’est resté, et en France ceux qui ne savent rien de l’histoire des Indes n’ignorent pas du moins que, s’il y eut jamais de vrais décors de féerie, ce furent les palais du Grand Mongol.

Ces palais assistèrent à bien des tragédies et, par un de ces contrastes dont l’Inde est coutumière, ils virent à quelques années de distance deux femmes qu’une conduite fort différente éleva à une haute renommée : Nurmahal et Djihan-Ara.

La première fut une favorite, et son histoire dépasse en romanesque toutes les légendes populaires.

Le fondateur de la dynastie, l’empereur Akbar, régnait encore. Un Tartare, d’une famille ancienne, mais pauvre, et qui avait épousé par inclination une jeune fille pauvre comme lui, résolut d’aller chercher fortune dans l’Inde, ressource ordinaire des gens de sa race. Il s’appelait Chaja-Ayas. Quand il se mit en route avec sa femme, qui attendait un enfant, tout leur bien consistait en un mauvais cheval et en quelques provisions. Celles-ci étaient épuisées quand ils parvinrent aux confins du grand désert qui sépare la Tartarie du Caboul. Ce fut alors que la jeune femme accoucha d’une petite fille. Vainement les deux émigrants attendirent le passage d’un voyageur. Ils durent se remettre en route. La mère, hissée avec peine sur le cheval, ne put tenir, tant elle était faible, son enfant dans les bras ; le père essaya de la porter et la laissa tomber ; alors, ils se décidèrent à l’abandonner et la déposèrent dans un berceau