Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/127

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

c’est-à-dire entrait « dans le monde divin », jamais ils n’ont cru qu’elle oubliât sa vie mortelle. Mais est-ce bien un Égyptien qui parle dans la dernière strophe du poème de Néférou-Ra ? N’est-ce pas le poète lui-même, pour qui la mort est le commencement de l’oubli éternel ?

Ce que son poème a d’ailleurs de plus beau, c’est de nous faire comprendre que dans ces palais de Karnak, en apparence si calmes, si somnolents, des cœurs aussi ont battu ; que ces édifices colossaux, qui paraissaient construits pour l’éternité et qui ont en effet traversé les siècles, ont abrité des êtres très frêles et très passagers, puisqu’ils étaient des hommes comme nous ; qu’avec leur puissance prodigieuse les souverains qui ont possédé assez de milliers d’esclaves pour pouvoir entasser l’un sur l’autre ces blocs de granit n’ont pas échappé à la loi commune, celle d’aimer leurs enfants et parfois de les voir mourir. Et ainsi un large flot d’intérêt universel, d’humaine tendresse, est entré dans cette poésie qui semblait d’abord viser seulement à faire la joie des archéologues.


____________