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Il nous a montré quelle était, chez les Égyptiens, l’importance de la femme dans les successions princières. Il n’exagère nullement en mettant toute la terre de Khêmi en deuil parce qu’une fille de sang royal se meurt ; car il était plus utile à un roi thébain d’avoir une fille que d’avoir un fils : c’était la femme qui transmettait le sang divin, le sang du Soleil ; il importait peu, au contraire, quel fut le père charnel d’un enfant royal, le vrai père étant toujours censé être Amon-Ra lui-même.

Le poète nous a montré encore avec quel charme pénétrant les anciens Égyptiens savaient parler de la femme et de la jeunesse. Ici non plus, il ne sort point de la vérité historique en réunissant, pour peindre la grâce de son héroïne, de si pittoresques images : c’est ainsi que dans leurs rescrits et dans leurs inscriptions funéraires les rois d’Égypte décrivaient celles qu’ils avaient aimées[1].

Leconte de Lisle, enfin, après avoir condensé dans les premiers vers de son poème les articles essentiels de la théogonie des Thébains, a condensé dans les derniers leurs idées sur la vie future. Il les a, toutefois, quelque peu altérées. Car si les Égyptiens, à l’époque thébaine, croyaient que l’âme après la mort était associée à la vie du Soleil,


  1. Voici le portrait que dans une inscription funéraire un roi thébain trace de sa femme : « C’est une palme, une palme auprès de tous les hommes, un amour auprès des femmes que la princesse, une palme d’amour gracieuse entre les femmes, une jouvencelle dont on n’a jamais vu la pareille. Noire est sa chevelure plus que le noir de la nuit, plus que les baies du prunellier ; rouge sa joue plus que les grains du jaspe rouge, plus que l’entame d’un régime de dattes… » Maspéro, Études de mythologie et d’archéologie égyptiennes, t. I, p. 44.