Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/132

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la salle où boivent les jarls est si pittoresque ! le portrait de la blanche fiancée si poétique ! et la dernière strophe si juste de ton !


Moi, je meurs. Mon esprit coule par vingt blessures.
J’ai fait mon temps. Buvez, ô loups, mon sang vermeil.
Jeune, brave, riant, libre et sans flétrissures,
Je vais m’asseoir parmi les Dieux, dans le soleil !


C’est à peu près ainsi que se termine le fameux chant de Regnar Lodbrok.

Vers la fin du viiie siècle, Regnar Lodbrok, roi de Danemark, après la vie guerrière et romanesque la plus extraordinaire, fut fait prisonnier par Ella, roi en Angleterre. Sa mort fut aussi étrange que sa vie. Son ennemi le fit jeter dans un cachot plein de vipères. Au milieu de ses tortures, Regnar composa, dit-on, le chant où il conte ses exploits et qui a été traduit dans toutes les langues de l’Europe : ce ne sont que flèches qui tombent en pluie sur des boucliers, casques qui se fendent sous le choc des épées, ruisseaux de sang qui rougissent des fleuves entiers, loups et aigles qui se rassasient de cadavres. Le héros se vante d’avoir rougi des flèches dès sa jeunesse, tué des comtes et des rois, bataillé parfois six jours de suite, livré cinquante et une fois de grands combats. Il a conscience que pas un homme ne fut plus valeureux. Aussi meurt-il sans regret, et sa dernière parole, dont Leconte de Lisle s’est si heureusement inspiré pour donner au Cœur de Hialmar une fin brillante, respire-t-elle la joyeuse allégresse d’un guerrier qui a rempli glorieusement sa vie :