Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/144

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un peu de pitié chez son maître ; pour elle, rien qu’humiliations et sévices :


Moi-même, un chef m’a prise, et j’ai, durant six ans,
Sous sa tente de peaux nettoyé sa chaussure.
Vois ! n’ai-je point gardé l’immonde flétrissure
Du fouet de l’esclavage et des liens cuisants ?


Après Herborg le poète islandais fait parler Gullrönd. Elle est fille de Giuki ; elle est donc sœur de Gudrun. C’est elle qui, pour faire verser à la veuve des larmes bienfaisantes, découvre le corps de Sigurd :


Alors parla Gullrönd, fille de Giuki : « Quoique tu saches beaucoup de choses, ô tutrice, tu ne sais pas comment il faut adoucir la douleur d’une jeune épouse. » Et elle fit découvrir le corps du héros.

Elle enleva le linceul qui cachait Sigurd, et posa sa tête sur les genoux de sa femme : « Regarde ton bien-aimé et pose ta bouche sur ses lèvres, et embrasse-le comme tu faisais quand il vivait encore. »


Chez Leconte de Lisle, le personnage ne conserve que son nom (arrangé en Ullranda) ; il perd sa qualité, son âge, son rôle. Ullranda devient reine des Norrains. Elle était jeune sans doute, étant sœur de Gudrun, si jeune elle-même ; Leconte de Lisle en fait une vieille femme ; il lui donne des enfants, et pour leur attribuer quelles aventures ? celles que l’Edda attribuait aux frères de la reine des Huns :


N’ai-je point vu mes fils, ivres des hautes mers,
Tendre la voile pleine au souffle âpre des brises ?
Ils ne reviendront plus baiser mes tresses grises ;
Mes enfants sont couchés dans les limons amers !