Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/163

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Le dénouement est plus poétique encore. Quand, de son doigt blanc, la reine des Elfes a touché au cœur le guerrier qui refuse son amour, il ne meurt pas, il n’est pas blessé. Il fuit pendant que les Elfes continuent à danser. Son noir cheval court et bondit. Mais tout à coup le chevalier au casque d’argent frissonne ; car il voit sur la route une forme blanche qui lui tend les bras. C’est encore l’odieuse fée ? Non, c’est sa fiancée, morte : c’est elle que la reine des Elfes a tuée en touchant le cœur qui était sien. D’amour, alors, le chevalier tombe mort lui-même. Les Elfes, couronnées de marjolaine, dansent toujours.


En faisant mourir la fiancée du coup porté au cœur de son fiancé, Leconte de Lisle donne, on en conviendra, une grâce nouvelle à la vieille légende suédoise, sans en altérer l’esprit. Par son dramatique dénouement, où la jeune fille accourt dans son blanc linceul au devant du jeune homme, il a, d’ailleurs, rattaché l’histoire du chevalier frappé par la reine des Elfes à tout un groupe d’autres histoires scandinaves, fort touchantes : celles qui font rester ou revenir un mort sur terre pour revoir et consoler un être aimé[1].

Le poème suédois intitulé la Puissance de la douleur, que Marmier traduit dans ses Chants populaires du Nord[2] et que Leconte de Lisle a imité dans sa Christine, appartient à ce cycle de légendes :


  1. Voir dans les Chants populaires du Nord, p. 108, la touchante histoire de la première femme de Dyring qui revient consoler et soigner ses enfants maltraités par leur marâtre.
  2. P. 228.