Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/168

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Elle entra, apprit la vie de Jésus-Christ, lui voua son âme, l’attendit longtemps dans un grand désir de le voir. Quand elle fut près de mourir, il lui apparut, la prit par la main et l’emmena dans son beau royaume. Là, elle est devenue reine.


On serait surpris si Leconte de Lisle n’avait pas donné à son héroïne un nom et une patrie, s’il n’avait pas reconstitué le milieu où sa vie s’écoule. Aussi l’a-t-il fait, et avec toute la précision, avec tout l’éclat qu’on était en droit d’attendre de ce grand décorateur.

La fille de l’Émyr s’appelle Ayscha. Son père est Abd-El-Nur-Eddin. Elle habite Cordoue aux dômes d’argent. La vieille, qui la tient tout le jour cachée sous la persienne et les fines toiles, la laisse errer en liberté dans le jardin frais dès que le soir revêt de ses couleurs chaudes les massifs touffus, pleins d’oiseaux siffleurs, quand le souffle léger du ciel attiédi verse ses murmures dans les sycomores et que l’ombre diaphane tombe des ramures sur le velours des gazons.

Mais, plus encore que de voir l’histoire scandinave conserver chez Leconte de Lisle l’indécision de son décor, on serait surpris de la voir garder son caractère chrétien. Elle est fort loin de l’avoir gardé.

Ayscha est une enfant ; un air d’innocence, un rire ingénu flotte sur sa bouche. Pendant qu’elle marche le long des rosiers, voici qu’une voix tendre la nomme et qu’elle découvre derrière elle un pâle jeune homme. (Jésus n’a donc pas attendu, comme dans le poème suédois, qu’on