Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/169

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désirât sa venue ; il ne répond pas à un appel vague, mais déjà pressant : il est venu de lui-même.)

Ayscha le voit, l’admire, lui demande quels sont tous ses noms, s’il n’est point khalife, s’il a des palais, s’il est l’un des anges. Mais elle n’offre point son cœur la première, elle n’engage pas sa foi. C’est le jeune homme qui la sollicite. Souriant, il dit : — Je suis fils de roi. Mon premier palais fut un toit de chaume, mais le monde entier ne peut m’enfermer. Jeune fille, si tu veux m’aimer, je te donnerai mon royaume.

Tout de suite elle veut bien. (Comment ne voudrait-elle pas, puisque le jeune homme ne l’a pas prévenue, comme il fait dans le poème suédois, de tout ce qu’il lui en coûtera pour le suivre, et qu’il se contente de dire la puissance irrésistible de l’amour ?)

Ayscha et Jésus s’en vont à travers la plaine. Longtemps, bien longtemps ils marchent. L’enfant, hélas ! sent les durs cailloux meurtrir ses pieds las, elle manque d’haleine, elle demande grâce : — Allah m’est témoin que je t’aime, ô mon cher Seigneur. Mais que ton royaume est loin ! Arriverons-nous avant que je meure ? — Une maison noire apparaît enfin. — Voici ma demeure, dit le jeune homme. Mon nom est Jésus. Je suis le pêcheur qui prend dans ses filets l’âme en sa fraîcheur. Je te réserve, enfant, la vie éternelle après cette terre.

Désormais morte parmi les vivants, Ayscha ne sortit jamais du noir monastère.

Ainsi, ce n’est pas Ayscha qui appelait, avant même de connaître son nom, le créateur des fleurs, et qui l’aimait